Il y a des dates qui comptent plus que d’autres. Dans la vie de Rochefort, il y a un avant et un après 1666. Cette année-là, Louis XIV et Colbert choisissent la modeste châtellenie de Rochefort pour y installer le grand arsenal de l’Atlantique.
À cette époque, la France n’a pas de Marine de guerre permanente. Sa flotte est en piteux état et le Royaume ne dispose pas de base navale ni de ports de guerre suffisants pour rivaliser avec les grandes puissances maritimes : Grande-Bretagne, Provinces-Unies (Pays-Bas) et Espagne.
Colbert
Colbert se préoccupe d’enrichir le Royaume. La Marine de guerre protégera les convois vers les colonies françaises des Antilles et du Canada : c’est là qu’est la vraie richesse. Elle défendra également les intérêts de la France partout dans le monde. Mais ce n’est pas tout : la fabrication, l’entretien et l’armement des navires fera travailler de très nombreuses manufactures françaises.
Louis XIV
Louis XIV se préoccupe de gloire. Être le plus grand roi sur terre ne saurait lui suffire : il doit aussi dominer les océans. On n’est pas Roi-Soleil pour rien !
Trois arsenaux sont fondés ou modifiés en même temps : Brest au Nord, Toulon au Sud et Rochefort pour le Ponant, c’est-à -dire l’ouest, l’Atlantique. Rochefort fait partie d’un ensemble et le destin de ce petit morceau d’Aunis est désormais lié à celui du Royaume tout entier.
Rochefort est choisi par le roi et son ministre pour sa position médiane sur la côte atlantique, entre les deux grands ports de commerce de Nantes et Bordeaux, et pour sa situation au fond d’un méandre de l’estuaire de la Charente. Installer une usine à bateaux de guerre à 20 kilomètres de la mer peut surprendre aujourd’hui, mais c’est une formidable protection contre un ennemi venu de la mer. Vers l’amont, le fleuve est une autoroute commerciale qui assure l’approvisionnement de l’arsenal.
Selon son habitude, Louis XIV voit grand. Il veut bâtir ici une immense usine pour sa flotte, et fonder une ville selon de vieux principes militaires, où des rues Nord-Sud coupent des rues Est-Ouest à angles droits. Cette ville-arsenal doit être opérationnelle au plus vite.
L'arsenal
C’est un gigantesque entrepôt d’innombrables matériaux (bois, fer, chanvre, vivres, etc.) venus de tout le Royaume, un ensemble de manufactures où sont transformées ces matériaux (la corderie est la plus célèbre), des casernes et des logements pour les marins et les ouvriers, des lieux de commandement et de représentation du roi, des forteresses pour protéger le tout.
L’arsenal de Rochefort occupe près de 2 kilomètres le long de la Charente : il est plus question ici de prestige que de fonctionnalité. Mais au prix d’un effort et d’un budget colossaux, l’essentiel est construit en une dizaine d’année.
Le territoire de l’arsenal dépasse largement Rochefort et englobe tout l’estuaire, jusqu’à l’île d’Aix. Fortifications et infrastructures sont installées sur les rives et façonnent un paysage nouveau, entre volonté des hommes et force de la nature.
Cette naissance originale, et la belle pierre de calcaire locale utilisée pour les constructions, donnent à Rochefort son caractère et son atmosphère singulières. C’est aujourd’hui l’arsenal maritime de l’époque moderne le mieux préservé d’Europe.
Ces années de fondation sont aussi celles de la découverte de deux traits de caractère de Rochefort : un cauchemar logistique en raison de la vase et des marées ; un enfer sanitaire où sévit le paludisme. Pendant 250 ans, Rochefort doit innover pour dépasser ce double désastre : mais c’est une autre histoire…
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